21 August 2010

Simple souci écologique

Ah, comme j'aimerais que ma cervelle soit dotée de deux ou trois neurones de la qualité de ceux qui grésillaient dans le crâne d'un Muray, d'un Cioran, d'un Céline, d'un Flaubert ou bien d'un Nietzsche, sans oublier la tête bien ronde de Schopenhauer. Je pourrais, par écrit, faire ainsi grincer des dents tous les moutons impudents qui se seraient aventurés sur ce blog.

Mais pourquoi faire trembler la carcasse du quadrupède humain ? Parce que la police interdit d'en faire de la chair à pâté et que j'ai déjà eu suffisamment d'emmerdements avec les représentants de l'ordre étatique, bras armés de la justice inique. Mais pourquoi vouloir en faire de la chair à pâté, un aliment qu'aucune hyène affamée ne voudrait ingurgiter, même du bout des lèvres ? Eh bien, par pure bonté pour la Nature, par simple souci écologique. La vue d'un mouton humain broutant sans vergogne les derniers carrés de verts pâturages, où pousse si difficilement l'herbe de l'intelligence, qui, par miracle, a échappé à la dentition de cette monstrueuse espèce de ruminants, me met en rage. La prolifération de cette engeance intellectuellement modifiée, au fil des temps, depuis l'ère julesferryenne, par les directives du gratin pédagogique et culturel national fait que le noble végétal est sur la liste des plantes qui sont au bord de l'extinction. L'explosion démographique des troupeaux humains - la France championne de la reproduction par clonage de l'animal dégénéré - a fait que la planète se désertifie à grands pas. L'exportation aux quatre coins du monde de cette race de ruminants post-modernes, par d'innombrables cargaisons aéroportées, bien emballées dans du tissu sportwear, et présentées aux éleveurs étrangers sous le label Touriste AOC, fait des ravages.

Ainsi, par la grâce de l'écrit, je tente de m'éviter une condamnation à perpétuité pour avoir massacré le cheptel de l'Etat tout puissant. Ce propriétaire avare et jaloux compte et recompte inlassablement le nombre de ses quadrupèdes bêlants, marqués, au fer indolore, du sigle "C", symbole du citoyen. Le marquage, et son corollaire, le contrôle de la bonne santé du troupeau, s'effectuent subrepticement et de manière très efficace, grâce aux immenses et récents progrès des sciences de la biopolitique, aidées dans cette vaste entreprise de domestication, d'élevage et de gardiennage, par la psychologie cognitive. Cela ne va pas sans la collaboration sans faille des enseignants - leurs protestations, si souvent répétées, ne se limitant qu'à la surcharge de travail, à la durée des vacances ou à l'âge de la retraite. Le concours besogneux, inlassable des médias largement subventionnés par la Ligue des Fermiers Gouvernementaux, cupides et rusés exploitants des ranches nationaux, est absolument décisif pour la bonne marche de la formation du mouton citoyen. Le journaliste est là pour indiquer au leader de la bergerie le meilleur chemin conduisant à l'abattoir, sans que l'animal docile ne rechigne à avancer. La bête ne doit pas se perdre dans les profonds buissons de la consommation, où elle aime se vautrer, afin que sa laine soit suffisamment épaisse lors de la grande tonte annuelle, lorsque les garimpeiros de l'Impôt, ces bóias-frias de la Taxe, passeront à l'action.

Mais bon, je m'égare. J'en oublie que le but de ce billet n'était que la formulation d'une plainte au sujet de mon manque de talent pour dissuader la race du mouton humain de brouter l'herbe rare de l'intelligence qui croît si difficilement, clairsemée sur la terre caillouteuse du petit arpent de la pauvre Sagesse.

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