24 April 2011

Changer le monde ?

Il me faudrait renoncer momentanément à charger des e-books, car plus ma liste de lecture augmente et moins je lis vraiment. Je suis tenté de feuilleter les livres installés régulièrement sur mon reader, ou "liseuse" en québécois, ce qui fait que je retarde la fin de la lecture de Tu dois changer ta vie !, le dernier essai de Sloterdijk, alors qu'il ne me reste que 120 pages à lire. Je n'ai pas, non plus, encore fini Les Âmes mortes de Gogol, entamé le mois dernier sur le Sony. Sans compter Philippe Muray dont je n'ai pas toujours pas épuisé Les Essais.

Je passe facilement d'un livre à l'autre. S'agissant de nouvelles ou de courts romans, ça ne pose pas de problème : je les lis d'une traite. Mais quand un texte approche le millier de pages, j'ai tendance à marquer des étapes ; périodes pendant lesquelles je me lance dans d'autres textes bien plus courts que sont, souvent, de longs articles copiés sur le Web et transformés au format .epub. Je lis ces textes quand je sais que je n'aurai pas beaucoup de temps devant moi pour me concentrer sur un écrit sans être interrompu. Je procède donc dans mes lectures de la même manière qu'avec mes blogs : en me dispersant, au point d'en arriver parfois presque à me perdre. Plus grave : comme je ne prends presque jamais de notes, que je ne souligne jamais la moindre phrase — c'est à dire que je ne lis pas un crayon à la main, comme le préconisait Miguel de Unamuno — , j'oublie rapidement les textes qui se sont lentement dépliés sous mes yeux.

Quelques fois, j'en arrive à me demander pourquoi consacrer autant de temps à la lecture si je n'en retiens qu'une infime partie. Je me rends bien compte que cette activité débordante ne fait pas de moi un richissime honnête homme. Je sais que je manque totalement de méthode pour développer un patrimoine culturel virtuel conséquent, amasser un capital intellectuel suffisamment important, ouvrir un compte à la banque Philo & C° qui me permettrait de m'engager dans la bataille des grandes idées. Seulement qui dit bataille, pense à la guerre. Or une guerre ne se prépare que dans un but : gagner ! Mais moi, j'ai maintenant tout à perdre, plus grand chose à gagner.

Par ailleurs, lorsque je lis — ce fût le cas encore aujourd'hui — des graphomanes qui disent, sans la moindre pudeur, écrire "pour changer le monde", je suis certain de ne jamais passer la porte du club où cette catégorie de quadrupèdes humains aiment se retrouver pour se convaincre de l'importance de leur mission civilisatrice. Connards ! Ces types sont incapables de se changer eux-mêmes, mais ne doutent pas un instant qu'ils vont révolutionner l'Univers. Alors, imaginer de partir en guerre avec ou contre ces bras-cassés, ces petites cervelles imbibées de littérature frelatée, bourrées d'idées progressistes, humanistes aussi lumineuses que la cave à formages dans laquelle ces crétins ont été conçus, une sombre nuit d'orage, tandis que la TV de leurs tristes géniteurs était en panne, ça me fait plutôt rigoler.

Non, je n'ai aucun but : je passe des heures et des heures plongé dans mes lectures, sans finalité aucune — soit dit en passant, je n'adhère pas non plus aux thèses millénaristes. Je ne vois même pas ce retranchement, cette absence à ce qui structure le quotidien des normopathes peuplant le territoire où je suis installé, comme une ascèse faite d'exercices qui me permettraient de prendre plus de hauteur.

Je lis parce que j'ai découvert que la lecture est la meilleure chose à faire pour occuper mes neurones qui ne cessent de se multiplier sans discipline aucune, hors de tout contrôle. J'écris quand je me sens ma cervelle un peu submergée par une hausse impromptue du taux de multiplications de ces sauvages électrifiés qu'il me faut calmer.

Pour que les choses changent, je m'en remets à ma Destinée qui, jusqu'à aujourd'hui, a remporté toutes les batailles, les grandes comme les petites, sans même me demander une seule fois mon avis sur la meilleure stratégie à mener. En attendant le prochain changement, je peux me disperser.

18 April 2011

Stupide to Stupide

C'est à la lecture d'un article de Xavier Ternisien, Les blogs : info ou influence ?, que j'ai découvert, hier, l'existence d'une société de services, Human to Human, qui se présente ainsi :
Veille de l'opinion et stratégies conversationnelles
Depuis 2003, Human to Human écoute l'avis des internautes, ces individus versatiles qui derrière leur écran sont tour à tour des consommateurs, des clients, des usagers et avant tout des citoyens interconnectés...
Human to Human permet ainsi aux entreprises d'appréhender la perception des experts et des candides, des râleurs et des inconditionnels et d'identifier l'opinion émergente qu'un sondage ou une étude ne révèlera souvent que plus tard.
Fort de cette veille de l’opinion des internautes, Human to Human accompagne les marques et les institutions dans le pilotage de leurs stratégies de communication, et dans la mise en place de dispositifs conversationnels.
Pour les mal-comprenants, j'en donne ici la traduction :
Surveillance des conversations à large échelle et bourrage de crâne par le biais d'une propagande bien ciblée.
Depuis 2003, réduction de l'animal sociable à quatre dimensions : consommateur, client, usager, électeur. Formes sur lesquelles Cupide to Cupide peut travailler utilement en espionnant [écoute] les messages transmis entre individus [internautes], afin d'en contenir le principal des défauts : tendance à fuir incontrôlée [versatilité] sous la pression de la propagande exercée par les chefs d'entreprises et les politiciens. Cupide to Cupide se fait fort d'intervenir en amont, presqu'à la source [identifier l'opinion émergente], avant même que les sondages d'opinion n'en viennent à livrer leur diagnostic sur la capacité du bétail à marcher en ordre groupé vers les abattoirs du marché et des institutions étatiques. Pour arriver à ses fins, c'est à dire pour encaisser les rétributions versées par les marques [sic] - entendez par là, ceux qui apposent un fer incandescent sur le cuir des animaux dont ils sont propriétaires -, Cupide to Cupide se propose de jouer les cow-boys [pilotage] en allant dénicher les têtes de bétail jusque dans les endroits où elles se sentent le plus à l'abri [derrière leur écran]. Cupide to Cupide promet à ses employeurs de ratisser large, de prendre dans ses lassos [dispositifs conversationnels] la totalité du troupeau : du plus malin [expert] au plus idiot [candide], du plus récalcitrant [râleur] au plus soumis [inconditionnel].
Évidemment, les dirigeants de cette société n'ont rien inventé, il ne sont ni les premiers, ni les derniers à proposer ce genre de services, et, je suppose que les entreprises de ce type ne connaissent, actuellement, pas de crise ; j'imagine même que c'est un secteur en pleine expansion. Je me demande seulement pourquoi le troupeau humain ne se montre pas plus méfiant et tombe si facilement sous le lasso des cow-boys du Web dont les intentions sont on ne peut plus explicites, publiées ouvertement et donc accessibles à tous ceux qui ont surmonté le stade de l'illettrisme... Stupide to Stupide !

17 April 2011

Les tristes complaintes de la bloggosphere

Il y a tellement de choses avec lesquelles je suis en désaccord quand, exceptionnellement, je me lance dans la lecture de quelques posts - choisis presqu'au hasard sur la bloggosphere francophone - que je pourrais, en réaction, formuler une masse monstrueuse de commentaires.

Évidemment, cela me conduirait à entrer dans diverses polémiques, en supposant que les bloggers, à qui je ferais des remarques sur ce qui ne tient pas dans leur construction argumentaire, me répondent. Je sais que, généralement, ils ont tendance à répondre sans même prendre le temps de lire attentivement la critique qui leur est adressée, et ceci, quand ils se donnent la peine de répondre. Parce qu'ils préfèrent, habituellement, ignorer les inconnus qui ne vont pas dans leur sens, ceux qui ne font pas partie du cercle très restreint des commentateurs privilégiés, c'est à dire du troupeau qui s'est formé au fil du temps à grands coups de brosse à reluire.

Aussi, malgré l'envie de réagir, qui parfois se fait jour en moi, je laisse tomber. Je laisse d'autant plus facilement tomber que ces bloggers sont tellement enferrés dans leurs opinions, ces idéaux prêt-à-porter collants à leur identité comme une combinaison en tissu synthétique, qu'il serait vain de tenter de leur démontrer que, pour telle et telle raisons, ce qu'ils affirment avec tant de convictions ne tient tout simplement pas la route.

Je me demande comment ces individus, qui passent le plus clair de leur temps à entretenir leur symptôme graphomaniaque, ne sont pas encore épuisés à force de rabâcher sur des thèmes qui sont apparus en ligne avec le début de la formation de la bloggosphere. Le statut du blogger vis à vis du journaliste tourmente intensément les bons citoyens qui fréquentent le Web. "Journalistes et blogueurs restent deux mondes clos et étanches. Rares sont les journalistes politiques qui connaissent les blogueurs politiques" déplore un fameux blogger-citoyen, suite à l'article, Les blogs : info ou influence ?, de X. Ternisien, paru récemment sur Le Monde.

Ce qui met en rage les bloggers, ou tout au moins les bloggers de cet acabit, c'est que tout journaliste peut obtenir, quasi instantanément, le statut de blogger - rien de plus simple -, mais, qu'à l'inverse, un blogger ne peut pas accéder en trois clics au statut de journaliste ; l'un étant beaucoup plus prestigieux que l'autre, comme de bien entendu. Cette affaire ne date pas d'hier. Profession blogueur de Y. Eudes, publié le 11 Novembre 2008 sur Le Monde, avait déjà provoqué les mêmes remous. Ce phénomène se produit si souvent qu'il est impossible de citer tous les journalistes qui régulièrement font gémir de douleurs les glorieux bloggers et leurs cohortes. La bloggosphere regorge de complaintes qui chantent toutes le même refrain.

Comme le remarque Ludovic Bajard, directeur associé de Human to Human, au sujet des bloggers, "leur pratique est fondamentalement différente de celle des journalistes. Ils ne respectent pas les trois piliers du métier que sont la distanciation, l'objectivation et le recoupement des sources. Ils sont dans une subjectivité totale par rapport à leur sujet. Ils vivent leur activité comme une passion. Ils se racontent. Lorsqu'un blogueur arrive à une conférence de presse, la première chose qu'il fait est de se prendre en photo ou de se faire photographier..." Cette citation résume, à mon avis, assez bien la situation. Il n'empêche que certains bloggers produisent des billets tout aussi intéressants que certains journalistes, mais c'est rarement le cas, puisque la plupart des individus en pyjamas se contentent de plagier à leur sauce frelatée des articles journalistiques, des dépêches AFP. Le blogger qui publie des billets dignes d'intérêt est une espèce aussi rare que celle du journaliste qui mérite vraiment que ses papiers soient lus avec attention.

Enfin... Tant de mots pour exprimer ce qui m'éloigne des troupeaux de graphomanes batifolants sur les prés hexagonaux les plus verdoyants de la bloggosphere ! Ces pâturages jouxtent de trop près les sombres marécages où la majorité béate, qui les admire, s'enlise !

05 April 2011

Ouvrir la porte

Ouvrir la porte. Sortir. Fermer la porte. Suivre le couloir. Ne pas allumer. Descendre les escaliers. Sortir. Marcher. Suivre l'allée bitumée. Marcher deux cents pas sous le soleil. Renverser la tête vers le ciel. Cesser de marcher. Cligner des yeux. Se boucher les oreilles. Fixer le ciel. Cesser de respirer. Fermer les yeux. Ouvrir les yeux. Respirer. Déboucher ses oreilles. Baisser les yeux. Marcher. Marcher dix pas. Faire demi-tour. Marcher deux cent dix pas. Rentrer. Appeler l'ascenseur. Entrer dans la cage de fer. Presser le bouton. Monter. Allumer. Suivre le couloir. Ouvrir la porte. Rentrer. Fermer la porte. Oublier le soleil. Oublier le ciel. S'asseoir. Allumer le PC. Oublier de respirer.

03 April 2011

Expérimentations

Je sors rarement de l'appartement. Quand je sors, c'est par obligation, avec le ravitaillement pour unique objectif. Je n'ai donc pas l'occasion d'augmenter le stock d'images numériques archivées dans les entrailles du PC : je ne prends plus le temps de faire quelques clichés lorsque je me trouve dehors. Désormais, je sors sans jamais emporter de caméra. Alors, pour alimenter mes blogs, je recycle de vieilles photos. Je me guide sur les images publiées sur Flickr, après avoir enfin renouvelé mon abonnement, pour m'orienter ensuite dans la recherche de photos mémorisées sur le disque dur externe. Lorsque deux ou trois images me paraissent suffisamment intéressantes pour être recyclées, les traite rapidement avec Photoshop. Il ne me reste alors qu'à choisir entre No Milk Today, Songlines, SimulacresMikkado pour les exposer sur la Toile. Évidemment, ça brouille l'ordre chronologique et thématique des blogs. Se juxtaposent, par exemple, des paysages photographiés en Espagne au printemps avec des scènes de la vie urbaine sous le ciel hivernal de Montpellier. L'angle de publication manque un peu plus de cohérence. D'autant plus qu'avec Photoshop, je ne m'astreins pas à traiter chaque cliché de la même manière, avec le même type de filtres, avec des réglages identiques. Ce qui augmente encore la sensation d'hétérogénité dans la succession des images sur les blogs. J'en ai bien conscience, mais ça me gène pas outre-mesure. Je ne me sens pas captif des normes esthétiques en vogue sur les photoblogs les plus en vue. Je suis toujours en phase d'expérimentation, bien que mes premières publications en ligne datent d'une dizaine d'années, déjà. Et, j'ai bien l'impression que cette phase n'est pas sur le point d'être achevée. La période d'apprentissage se poursuit.