05 August 2010

On Woodward Ave

Le Mercredi 19 août 2009, en fin d'après-midi, dans l'encadrement du pare-brise, Detroit, Michigan, se déploya, immense, sombre et brûlante. Pat était au volant. Imperturbable, détendu, souriant. Depuis Puerto Escondido, province d'Oaxaca, Mexique, il n'avait pas souvent desserré les dents. Lundi, vers 10:00 AM, le Chevrolet TrailBlazer SS quittait la côte Pacifique et n'avait presque pas cessé de rouler. Pendant trois jours, BBL avait souvent rêvassé, ou bien chantonné à voix basse en manipulant les boutons de la radio, à la recherche des meilleures stations FM, quand, lovée sur la banquette arrière, elle n'avait pas dormi à poings fermés. J'avais très peu conduit, seulement sur quelques centaines de miles, lorsque Pat trouvait la route un peu trop monotone. Vers 04:30 PM, à la hauteur de Monroe, je m'étais arrêté pour refaire un plein, une dernière fois. Pat avait repris le volant. BBL s'était alors installée à la place du passager. Légèrement appuyée contre la portière, elle somnolait. Assis à l'arrière, penché vers l'avant, les coudes calés sur les dossiers, j'observais la circulation qui, sur la freeway I-75, s'était faite de plus en plus dense, mais le TrailBlazer glissait librement vers le Nord. Le compteur journalier indiquait 2.059 miles. A Nuevo Laredo, le passage de la frontière n'avait posé aucun problème. Pas une seule fois, la police de route ne nous avait fait signe. Il était 05:21 PM. Pat venait d'engager le Chevrolet sur Woodward Avenue. Il suivait mes indications. Dans moins d'une demie heure, je remettrai les clefs de la voiture à mon vieil ami Luis qui, une semaine plus tôt, avait quitté le Mexique pour rejoindre Detroit par avion. Depuis, on ne s'était pas recontacté, mais je savais qu'il nous attendrait tranquillement. Ce n'était pas la première fois que, Luis et moi, nous travaillions ensemble. Nous avions déjà eu tout le temps d'apprendre à nous connaître. Aucun voyant d'alarme ne clignotait dans mon esprit. Le soleil déclinait sur notre gauche. Les couleurs du ciel tiraient sur le mauve mavrikakis. Pat avait coupé la climatisation et baissé sa vitre. Au tableau de bord, le thermomètre affichait 79°F. La pollution atmosphérique n'était pas à son plus haut niveau. J'allumai la dernière Winston du paquet et m'adossais confortablement contre le siège. La soirée s'avançait sous les meilleurs auspices. BBL se retourna lentement pour m'accorder un ravissant sourire. Puis, elle allongea le bras pour monter légèrement le son de la radio. Le DJ venait d'annoncer : "Her harmonies are amazing and her voice is top notch. I'm not sure whom in the music world I could compare Rai to...". Je tendis l'oreille dès les premières paroles accompagnées de la guitare. La musique de Rai et son chant mélodieux tenaient parfaitement la route. Le visage de Pat s'illumina, élargissant ses fines et longues moustaches. Marmonnant en chukchi, sa langue maternelle, une phrase mystérieuse, Pat poussa un peu sur l'accélérateur. Le Chevrolet TrailBlazer SS déploya ses ailes.

Trois images de Woodward Avenue : WA1 WA2 WA3

2 comments:

  1. ' J'allumai la dernière Winston du paquet et m'adossais confortablement contre le siège.'

    et moi aussi j,y etais.lorsque on se donnait un rendez-vous,pendant le weekend ,pour dejeuner:))


    quel tableau mon frere
    un bonjour a BBL

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  2. Aaaah, mon frère Le Linguiste, il y a encore de la place dans le Chevrolet et j'espère que tu seras présent lors de la prochaine ballade. On s'arrêtera un long moment au bord de la route, dans un bon restaurant koweïtien, marocain ou pakistanais, pour reparler du bon vieux temps passé ensemble sur les bancs de l'université.

    Prends bien soin de toi et de ta famille.
    A bientôt!

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