13 December 2011

Remplissage

Je n'ai pas beaucoup de temps devant moi, j'ai un tas d'autres choses à faire, mais je ne résiste plus à l'envie de publier un post pour faire descendre, vers le bas de la page, le précédent billet qui me sort par les yeux à force de le voir s'afficher quand il m'arrive d'ouvrir ce blog. Je n'ai rien de particulier à dire. Je vais donc essayer de faire du remplissage avec ce qui me passe par la tête, dans l'immédiat.

J'ai l'impression que cette année l'activité des bloggers s'est encore amoindrie. Je parle d'impression, car je ne fréquente plus les cercles des bloggers francophones dont je suivais les publications, plus ou moins régulièrement, par le passé. Je ne suis pas allé chercher de statistiques qui confirmeraient ou non ce sentiment. Cette impression est fondée, en grande partie, sur le fait que j'ai coupé bon nombre de fils rss reliant des blogs, que j'avais sélectionnés pour FeedDemon, parce qu'ils ne sont plus alimentés régulièrement.

Il est bien possible que la campagne pour les élections présidentielles relance l'activité des bloggers qui se passionnent pour la politique, une passion, plus que toute autre, que j'ai du mal à comprendre. Si j'ai pu participer en ligne à quelques débats concernant certains faits de sociétés, il y a maintenant pas mal de temps que ce genre de choses ne m'intéresse plus. Progressivement, j'ai renoncé à la lecture des journaux, et je ne pense maintenant à allumer la radio qu'exceptionnellement, alors que ce geste était presque devenu un rituel matinal, une façon de reprendre mentalement contact avec la société des hommes. De plus, j'ai presque complètement délaissé mon compte Twitter sur lequel défilaient les messages de nombreux médias liés à l'information. Là encore, la séparation entre le monde de l'actualité et moi s'est creusée.

Si l'intérêt, que je portais à la marche du monde, s'est à ce point étiolé, c'est parce que la presse et la radio ne satisfont plus ma curiosité. J'ai l'impression que les événements rapportés par les journalistes n'en sont plus vraiment, mais que chaque "nouvelle" n'est qu'un avatar du passé, faisant retour avec quelques variantes : en lisant les articles de la catastrophe de Fukushima, je repensais à ceux sur Tchernobyl ; en suivant la révolution tunisienne, je revoyais des images de la contestation iranienne, deux ans auparavant ; il manquait dernièrement en Libye le piment et les meilleurs ingrédients qui avaient rendu digeste les informations sur la première guerre irakienne — la seconde fût bien moins intéressante ; la crise de l'euro me laisse complètement froid, aussi froid que la précédente crise des subprimes, sachant depuis longtemps à quel point l'économie relève plus de la boule de cristal ou du marre de café que d'une science quelconque ; quant aux prochaines élections présidentielles françaises, je crois inutile de mentionner ce que j'en pense, tellement cette affaire me parait insignifiante. La seule nouvelle, qui, cette année, a retenu mon attention pendant quelques jours, est, en réalité, un fait divers et les réactions qui ont entouré le scandale provoqué à sa suite : l'affaire DSK !

C'est sur cette affaire que SCH 2009 était resté bloqué, et c'est ce billet, celui que je m'apprête à publier, qui va enfin reléguer cette histoire aux oubliettes, ainsi probablement que l'année 2011, dont le seul grand événement — largement plus important, pour moi, que toutes les histoires à la con rapportées en un an par les médias — fût l'arrivée de Saki au 205, en plein milieu du mois d'août.

02 July 2011

Je me prépare au pire

Hier, Pepe Le Perv, le plus célèbre des violeurs, en ce début de IIIème millénaire, a été "libéré sur parole". J'étais persuadé qu'il ne retournerait pas en prison, mais je ne pensais pas qu'il s'en sortirait si facilement. Bien sûr, le fait que le District Attorney Cyrus Vance Jr., soit complètement à la ramasse, et qu'il n'a donc pas dû être trop difficile d'exercer des pressions sur lui, sachant qu'il brigue un nouveau mandat, n'est certainement pas étranger à la libération du vieux libidineux. Évidemment, rien n'est définitivement joué dans cette affaire car, à ce stade, les accusations sont maintenues et la procédure suit son cours. Des interrogations sur les faits et la personnalité du pervers subsistent.

Mais, ce n'est pas simplement le fait que ce prédateur sexuel soit en liberté qui me pousse à réagir, c'est parce que j'ai pu lire que la majeure partie de la presse nationale et régionale française se félicite de savoir que ce type cours librement les rues, les restaurants et les lupanars new-yorkais. Si, je n'ai pas pris le temps de lire ce que les bloggers français en pensent, c'est parce que je sais par avance qu'ils sont dans le même état d'esprit que les vaillants journalistes, les faiseurs d'opinion de ce pays dont la population est majoritairement obsédée par l'argent, le pouvoir, la vinasse et le sexe. Je ne peux pas dire que l'affaire DSK révèle, en ce qui me concerne, quoi que ce soit sur l'ethos national, mais ça confirme, malheureusement, les représentations que je me suis faites, au fil des ans, au sujet du bon citoyen français, le démocrate parfait.

On me dit souvent que je vis en retrait, on me reproche - implicitement, la plupart du temps - de ne jamais participer aux activités et, encore moins, aux festivités du bon peuple français, on me tient pour un individu asocial, parfois marginal, mais peu de gens comprennent que je ne peux pas me laisser aller à la fréquentations de la majeure partie des habitants de ce pays sans réticences. Par ailleurs, plus d'une fois on m'a sorti la superbe tirade, celle que tout bon français connaît par coeur depuis son enfance : "Mais Monsieur, nous ne sommes pas du même monde !" Ceci avec l'air parfaitement indigné [cf. S. Hessel], comme savent si bien l'afficher ces quadrupèdes humains lorsqu'ils prononcent ce genre de formules magiques, en espérant vous écarter d'eux, le plus loin possible.

Et bien oui, et heureusement, connard ! Ça me ferait bien trop mal d’appartenir à ton monde de merde, à cette France moisie, rongée par la gangrène de l’hypocrisie, qui passe son temps à faire croire qu'elle prend la défense du faible, de l'opprimé, de la femme de chambre exilée et exploitée, mais qui célèbre sans vergogne le premier salopard qui leurs fait miroiter qu'en votant pour lui, puis en se soumettant à toutes ses volontés, il augmentera sensiblement l'épaisseur de leur misérable compte en banque ; que, grâce à lui, tous les foyers seront équipés d'un iPad ; et que les sexuels de tout poil pourront se donner autant de bon temps qu'il en a déjà pris dans les boites pour échangistes ou dans les chambres des Sofitel, aux quatre coins de la planète ; et, enfin, que ses intrépides électeurs au grand coeur pourront, à l'instar de son futur premier ministre humaniste, apporter du réconfort aux enfants du tier-monde en les initiant à la réflexologie plantaire, une méthode scientifique éprouvée, qui fait déjà le bonheur des petites secrétaires, même dans les régions les plus reculées de l'Hexagone.

Bref ! Mentalement, depuis que la campagne pour les présidentielles est lancée, je me prépare au pire. Je le dis, je le répète : je n'ai jamais voté, ni même pensé le faire une seule fois dans ma vie. Et, ce n'est sûrement pas en 2012 que je donnerai ma voix à qui que ce soit. Aucun des bâtards en lice pour la course au couronnement de la plus belle Ordure nationale ne pourra compter sur ma participation. Demain, encore moins qu'hier !

30 June 2011

Télévision

Je n'ai jamais vraiment aimé la télévision, peut-être parce que j'étais déjà adulte lorsque j'ai réellement eu affaire à ce type de média. C'est en m'installant en France, à l'âge de 23 ans, que, pour la première fois, un téléviseur est venu meubler mon appartement. C'était un appareil portatif, écran noir & blanc, sans télécommande, un Hitachi, si mes souvenirs sont bons. Je crois qu'en dehors des films, ce sont surtout les reportages, documentaires et débats sur des sujets de société qui m'intéressaient le plus ; du moins, dans une première période, le temps de me rendre compte que tout ça manquait franchement d'objectivité et ne collait que très vaguement à l'idée que je me faisais du monde, de la société, quand ça ne contredisait pas totalement mes propres expériences ou celles qui m'avaient été rapportées par des informateurs n'ayant aucun intérêt à falsifier le récit de situations vécues, des personnes non susceptibles de souffrir d'un syndrome mythomaniaque.

A l'évidence, au cours des reportages, documentaires et interventions, lors des débats sur les plateaux TV, la plupart des discours sonnaient faux et révélaient non pas une réalité possible, mais les fantasmes des producteurs des discours en question qui n'hésitaient pas à tordre les maigres faits recueillis au cours de leurs pâles investigations pour les faire entrer dans une perspective correspondante à leurs a priori, formulant de pauvres thèses faites d'idées reçues, de lieux communs et de stéréotypes qui ne pouvaient en aucun cas favoriser l'amorce d'une réflexion sur les objets qu'ils avaient la prétention de dévoiler et d'analyser. En réalité, ces journalistes, spécialistes et experts auto-proclamés ne travaillaient que dans un seul but : la fabrication de semi-fictions aux effets spectaculaires précédées d'une fausse promesse disant qu'ils donneraient à voir des choses exceptionnelles, extraordinaires, inimaginables, prodigieuses, sensationnelles, un tas de choses qui subjugueraient le téléspectateur. Dans l'esprit de ces professionnels, la réaction à distance du public fasciné par le son et l'image devait, au final, se traduire par des exclamations telles que : incroyable, pas-possible, lamentable, fantastique, c'est-pas-vrai, dégueulasse, salops-de-riches, merveilleux, putains-de-pauvres, révoltant, ou le désormais célèbre : je-suis-indigné !

Au bout de quelques mois, face à ce cirque, mon engouement pour ce genre d'émissions se dissolvait comme une goutte de sirop d'orgeat dans un verre d'eau pure. Il était alors devenu indéniable pour moi que ces reportages, documentaires et débats, souvent caricaturaux, n'étaient produits que dans le but d'orienter, dans un sens ou un autre, l'opinion du téléspectateur en jouant principalement sur ses affects. Se soumettre volontairement et passivement à la propagande idéologique d'une poignée de journalistes épaulés par un bataillon d'experts en tous genres était quelque chose d'inconcevable. De plus, une fois dévoilés les mécanismes grossiers de la machine à manipuler les esprits, ce carrousel médiatique n'offrait qu'un pitoyable spectacle qui ne se renouvelait jamais, avec une dizaine de thèmes repris en boucle selon les saisons ou l'humeur des rédacteurs-producteurs : violence, chômage, immigration, sexe, éducation, drogue, alimentation, port-ostensible-de-signes-religieux et, surtout, le fameux est-ce-que-cela-peut-nous-arriver-en-france-?.

Une cervelle dotée d'une once d'intelligence comprend rapidement qu'un téléviseur est un objet totalement inutile, sinon néfaste pour l'équilibre mental, sans même prendre en compte les dangers de l'incessant matraquage publicitaire. Je ne parle pas du sport car, dans ce domaine qui me semble encore plus désastreux pour l'intellect que la pub ; je crois n'avoir vu qu'une finale de tennis à Roland Garros, dont l'un des protagonistes était un Tchécoslovaque qui se nommait Yvan Landle - je ne me souviens pas de son adversaire.

Mais comme je n'ai pas toujours vécu seul, un poste TV a souvent encombré mon espace environnemental. Quand ARTE-TV a fait son apparition sur le réseau hertzien, j'ai fait l'achat d'un magnétoscope car cette chaîne diffusait de nombreux et bons films en V.O.. Je ne regardais que très peu de films en direct dans la nuit - un puissant soporifique pour BBL - mais je me faisais un plaisir de les visionner le matin, après avoir avalé une bonne dose de café. Et puis ARTE a cessé de diffuser directement ses films en V.O.. Il m'aurait fallu un téléviseur plus sophistiqué que le vieux Sony 30 pouces pour capter la version originale de la bande sonore des films. Alors que le DVD faisait son apparition et qu'un écran d'ordinateur était un bien meilleur vecteur de diffusion d'images qu'un écran TV, je renonçais irrévocablement à la contemplation de ce dernier.

Pendant quelques années encore, BBL s'affalait de temps à autres sur le canapé, face à la TV, sans jamais parvenir à me convaincre de suivre un programme en sa compagnie. Jusqu'au jour où, il y a environ deux ans, le vieux Sony - écran couleur Trinitron plat 30 pouces, portatif, télécommandé, remplaçant du Hitachi portatif, écran noir & blanc neigeux bombé 30 pouces, sans télécommande - est tombé définitivement en panne.

Je n'éprouve pas la moindre nostalgie pour ces appareils et encore moins pour les spectacles diffusés sur leur écran. Si je me suis longuement épanché sur ce thème, c'est je voulais seulement remplir une page afin de la publier sur ce blog qui souffre cruellement d'une très mauvaise et irrégulière alimentation. J'espère que les 4422 caractères qui précèdent lui tiendront au ventre jusqu'à la prochaine édition.

Ceci dit, si la télévision représente pour vous autre chose que ce qu'elle représentait pour moi, n'hésitez pas à me le faire savoir, je serais ravi de pouvoir en discuter. Je peux parler de tout et de n'importe quoi. Je suis expert en discussions. Je le suis devenu, il y a longtemps maintenant, en écoutant et en prenant exemple sur les intervenants conviés aux hallucinants débats produits par les cinq premières chaînes de la télévision nationale française.

16 May 2011

Vacciné !

Depuis dimanche matin, j'ai passé tellement de temps à lire les salades que les internautes français laissent en guise de commentaires sur les journaux en ligne que je n'ai pas pris une minute pour alimenter l'un ou l'autre des mes blogs. Je dois reconnaître que le viol commis par le directeur du FMI a de quoi alimenter tous les fantasmes. Aussi, les internautes s'en sont donnés à coeur joie. Certains articles de la presse nationale sont suivis de plus de 5OO commentaires. Bien entendu, je n'ai pas pris la peine de tous les lire. D'autant plus que la plupart ne répètent, qu'avec très peu de variantes, ce qu'on a déjà lu des dizaines de fois sous un précédent article traitant du même sujet. Ce qui m'a le plus frappé, c'est de voir à quel point le citoyen hexagonal est doté d'un imaginaire formaté par les programmes TV. Tout événement, relaté par les médias, n'est compris qu'au travers du filtre télévisuel, la série policière, dans ce cas, faisant office de monde référentiel. Tout internaute qui se respecte se doit d'endosser le rôle de l'inspecteur en chef. Les délires vont bon train. C'est une accumulation de stupidités affligeantes. Pourtant, j'ai lu des commentaires jusqu'à en avoir la nausée. Je pense ainsi m'être vacciné, pour pas mal de temps, contre le virus de la bêtise qui se répand sur la toile, telle une épidémie de choléra, dès qu'une information de ce genre apparaît dans les médias. Je vais pouvoir me remettre à blogguer avec l'assurance d'être parfaitement immunisé lors de la prochaine attaque virale déclenchée par la future information fracassante, "le coup de tonnerre" [Aubry] qui nous apprendra, par exemple, que le violeur DSK s'est fait sexuellement agressé, alors qu'il ramassait la savonnette dans les douches de sa prison.
A bientôt !

07 May 2011

Dupont de Ligonnès et la Meute

A longueur d'année, on peut lire sur la Toile que les internautes se sentent surveillés, fliqués, espionnés, traqués par la police du Web. Ils hurlent, indignés par des lois comme HADOPI, LOPPSI, etc. qu'ils jugent inadmissibles, inconcevables, inacceptables, insupportables, intolérables, irrecevables, et même liberticides - j'exagère un peu étant donné que le lexique de l'internaute est bien plus restreint. Tous appellent à la "résistance", chacun se sent une âme de petit Moulin face au terrible Barbie qui contrôle le Net d'une souris de fer.

"Résistance" est probablement l'une des occurrences les plus rencontrées par les linguistes qui bâtissent et analysent des corpus extraits du flot discursif produit par la bloggosphere française. On le sait, la vaillante communauté blobloggante est très à cheval sur les grands principes éthiques. Le quadrupède humain qui se prononce publiquement en ligne se doit d'être, avant tout, un humaniste fortement éclairé à l'ampoule halogène basse consommation.

Ainsi les blogs débordent de moraline. Le bloblogueur est le véritable héros 2.0. des réseaux. Il ne demande qu'à recevoir avec humilité les plus hautes distinctions qui récompensent, depuis l'aube de la lampe à acétylène, les grands hommes, les justes, les vrais.

Et puis, est survenu un fait-divers que la presse, la radio, la TV, ces grands médias, qui recrutent la crème de la résistance virtuelle, ont donné dernièrement en pâture à leurs lecteurs/auditeurs/spectateurs, et donc aux bloggers, transformant au passage un banal homicide en une histoire absolument extraordinaire : un père de famille, qui a froidement liquidé sa femme et ses rejetons, est en fuite ; la maréchaussée, toujours sur les dents, ne parvient pas à l'alpaguer.

Une chance, pour des milliers d'internautes, qui, en trois clics, vont enfin pouvoir se glisser avec délice dans la peau de la petite balance aux ordres de la Gestapo. C'est drôlement plus excitant que de jouer, à longueur d'année, les irréprochables, les vertueux, les purs, les durs, les sans-la-moindre-tâche, les indignez-vous. Ces internautes ont tous à portée de main le petit missel de Stéphane Hessel. Ils l'ont lu la larme à l'oeil, il y a à peine trois mois, et l'ont largement fait savoir.

L'incroyable nouvelle - les meurtres et la cavale de de Ligonnès - va transformer, en moins d'une semaine, nos valeureux résistants en une meute* affamée de sang. Cette meute, devenue foule, va essayer de faire mieux que HADOPI et LOPPSI réunis, en se lançant, la truffe bien humide, sur les traces que les Dupont de Ligonnès ont laissées sur le Web. C'est la curée ! La masse de lopettes hurle à tue-tête sur le Net : "Sus à Xavier le Crâne rasé !!!"
Ah, les bons citoyens, comme je les aime !

J'espère, maintenant, que Xavier Dupont de Ligonnès ne sera jamais retrouvé par la Police : ça me ferait trop mal au ventre de savoir qu'une de ces putains de balances en ligne, qu'un de ces putains de fouille-merdes puisse jubiler, dans quelques temps, en pensant avoir participé à l'arrestation de de Ligonnès. Cours, Xavier ! Cours !

*cf. Elias Canetti, Masse et puissance, 1960

06 May 2011

Obsolescence du snobisme

La société du spectacle est dépassée au sens où le spectateur d'hier, celui dont parlait Guy Debord, est devenu acteur. "L’apparat est une mise en scène de soi" qui "permet de partager un goût, une sensibilité", selon Anthony Mahé, sociologue et spécialiste du comportement du consommateur. A. Mahé avance qu'"il suffit d’observer un certain nombre de tendances chez les classes moyennes : la propension croissante des dépenses depuis trente ans affectées au confort intérieur de l’habitat ou la banalisation des objets High Tech, coûteux sans être pour autant au sens économique "utiles". On aime s’entourer de biens de consommation parce qu’ils nous relient aux autres, ils font du lien social. Les biens inaccessibles font eux rêver, comme la robe princière de Kate ou l’Aston Martin de leur échappée nuptiale."

La "mise ne scène de soi" est devenu la règle pour tous. Si l'expression "snob" était très en vogue à l'époque de Debord, elle a, aujourd'hui complètement disparue, du fait que tout le monde est snob, c'est à dire que plus personne ne l'est. Si vous achetez un i-Pod, puis un i-Phone, et, dernièrement, un i-Pad, vous devez le faire savoir, d'une manière où d'une autre, et chaque nouveau modèle sera une occasion de vous remettre en scène.

Dominique Strauss-Kahn a été photographié le 28 avril embarquant à bord d'une Porsche lors d'une visite à Paris. S'en est suivie, dans les médias, bloggosphere comprise, une polémique qui n'en finit plus d’enfler, régal du bon citoyen français. Mais quand DSK roule en porche, il doit le faire savoir. C'est la règle !

PS - Je tiens à préciser que je ne roule pas pour DSK, ni pour aucun des cabotins de la Comédie républicaine française. Je fais de mon mieux pour échapper à la société post-spectaculaire, même si le simple fait de tenir un blog, me force, en quelque sorte, à y participer. Ceci en attendant de me retirer définitivement au sommet de la montagne que je gravis lentement, mais sûrement : les quatre roues motrices de ma Porche Cayenne de plus en plus mordantes, déterminées. J'ai hâte d'atteindre ma retraite olympique, surtout quand il m'arrive, comme ce matin, de mesurer le niveau de déchéance morale de mes contemporains qui se déchirent pour de telles broutilles.

04 May 2011

Sympathie pour le Troll

Je considère généralement les trolls avec une certaine sympathie. Le troll n'est sûrement pas l'individu le plus stupide de la bloggosphere. Il est souvent doté d'un vrai sens critique, qui lui permet de repérer facilement les failles argumentatives et les contradictions dans un texte - ce qui ne sera pas le cas ici. Faiblesses sur lesquelles il prend appui pour libérer sa hargne souvent occasionnelle, sinon, peut-être, pour laisser déborder l'écume de ses frustrations amères. Le troll permet souvent d'avoir des échanges dans un registre de langue fleurie, imagée qui correspond bien à ma nature.

Si j'ai laissé tomber le blogging, depuis pas mal de temps déjà, c'est aussi parce que, sur les blogs, le léchouillage est la règle. On réclame implicitement que le commentateur se munisse de la brosse à reluire avant de donner son avis. Dans le cas contraire, si le commentaire n'est pas flatteur, le graphomane, auteur du billet, et ses sbires, qui forment ce qu'on appelle "une communauté" - un blogger isolé est un blogger mort -, se jettent les dents en avant sur l'irrévérencieux, le pauvre type qui a osé formuler une critique négative. Que cette critique soit réellement fondée ne change rien à l'affaire.

Ces bourrins, qui, via leurs blogs, rêvent de changer le monde, refusent a priori de reconsidérer leurs opinions moisies, flottant sur les marécages glauques de la doxa. Ils considèrent ce qu'ils écrivent comme des vérités immuables, indépassables, sources sacrées de leur personnalité bien ancrée dans la société. Ce sont eux les représentants de la Civilisation.

Il n'y a qu'à lire avec quelle condescendance ils traitent les internautes qui n'entrent pas dans le cadre de la Civilisation. Je parle de ces internautes dont le patrimoine génétique correspond à celui de l'inventeur du Minitel. Des sauvages qu'il a fallu convertir aux joies de l'Internet, pilier de la Démocratie post-moderne. Les bloggers civilisés se sentent donc investis d'une mission : porter la bonne parole dans tous les foyers de la planète munis d'une prise électrique. Peu importe que ces sauvages soient "analphabêtes", Daylimotion saura leur parler. La Civilisation passera. On en a la certitude depuis le fameux "Printemps arabe". Imaginez ! Internet est capable de convertir un sauvage sanguinaire à la Démocratie, d'amener cet ahuri à prier avec ferveur au coeur du Palais des Cyberconnectés !

Or, le méchant troll casse un peu ces rapports si conviviaux entre internautes hautement civilisés parqués sous l'Assemblée du Peuple des Connectés, dont les membres forcément solidaires, enthousiastes - il n'y qu'à voir le nombre de ceux qui se déclarent passionnés - débattent de choses très constructives, ceci dans une ambiance détendue et festive, une atmosphère fleurant bon l'Apple Geek, subtil parfum flottant légèrement entre les murs de la sacro-sainte Blogosphère.

Pour les Civilisés du Net, le troll pue !

24 April 2011

Changer le monde ?

Il me faudrait renoncer momentanément à charger des e-books, car plus ma liste de lecture augmente et moins je lis vraiment. Je suis tenté de feuilleter les livres installés régulièrement sur mon reader, ou "liseuse" en québécois, ce qui fait que je retarde la fin de la lecture de Tu dois changer ta vie !, le dernier essai de Sloterdijk, alors qu'il ne me reste que 120 pages à lire. Je n'ai pas, non plus, encore fini Les Âmes mortes de Gogol, entamé le mois dernier sur le Sony. Sans compter Philippe Muray dont je n'ai pas toujours pas épuisé Les Essais.

Je passe facilement d'un livre à l'autre. S'agissant de nouvelles ou de courts romans, ça ne pose pas de problème : je les lis d'une traite. Mais quand un texte approche le millier de pages, j'ai tendance à marquer des étapes ; périodes pendant lesquelles je me lance dans d'autres textes bien plus courts que sont, souvent, de longs articles copiés sur le Web et transformés au format .epub. Je lis ces textes quand je sais que je n'aurai pas beaucoup de temps devant moi pour me concentrer sur un écrit sans être interrompu. Je procède donc dans mes lectures de la même manière qu'avec mes blogs : en me dispersant, au point d'en arriver parfois presque à me perdre. Plus grave : comme je ne prends presque jamais de notes, que je ne souligne jamais la moindre phrase — c'est à dire que je ne lis pas un crayon à la main, comme le préconisait Miguel de Unamuno — , j'oublie rapidement les textes qui se sont lentement dépliés sous mes yeux.

Quelques fois, j'en arrive à me demander pourquoi consacrer autant de temps à la lecture si je n'en retiens qu'une infime partie. Je me rends bien compte que cette activité débordante ne fait pas de moi un richissime honnête homme. Je sais que je manque totalement de méthode pour développer un patrimoine culturel virtuel conséquent, amasser un capital intellectuel suffisamment important, ouvrir un compte à la banque Philo & C° qui me permettrait de m'engager dans la bataille des grandes idées. Seulement qui dit bataille, pense à la guerre. Or une guerre ne se prépare que dans un but : gagner ! Mais moi, j'ai maintenant tout à perdre, plus grand chose à gagner.

Par ailleurs, lorsque je lis — ce fût le cas encore aujourd'hui — des graphomanes qui disent, sans la moindre pudeur, écrire "pour changer le monde", je suis certain de ne jamais passer la porte du club où cette catégorie de quadrupèdes humains aiment se retrouver pour se convaincre de l'importance de leur mission civilisatrice. Connards ! Ces types sont incapables de se changer eux-mêmes, mais ne doutent pas un instant qu'ils vont révolutionner l'Univers. Alors, imaginer de partir en guerre avec ou contre ces bras-cassés, ces petites cervelles imbibées de littérature frelatée, bourrées d'idées progressistes, humanistes aussi lumineuses que la cave à formages dans laquelle ces crétins ont été conçus, une sombre nuit d'orage, tandis que la TV de leurs tristes géniteurs était en panne, ça me fait plutôt rigoler.

Non, je n'ai aucun but : je passe des heures et des heures plongé dans mes lectures, sans finalité aucune — soit dit en passant, je n'adhère pas non plus aux thèses millénaristes. Je ne vois même pas ce retranchement, cette absence à ce qui structure le quotidien des normopathes peuplant le territoire où je suis installé, comme une ascèse faite d'exercices qui me permettraient de prendre plus de hauteur.

Je lis parce que j'ai découvert que la lecture est la meilleure chose à faire pour occuper mes neurones qui ne cessent de se multiplier sans discipline aucune, hors de tout contrôle. J'écris quand je me sens ma cervelle un peu submergée par une hausse impromptue du taux de multiplications de ces sauvages électrifiés qu'il me faut calmer.

Pour que les choses changent, je m'en remets à ma Destinée qui, jusqu'à aujourd'hui, a remporté toutes les batailles, les grandes comme les petites, sans même me demander une seule fois mon avis sur la meilleure stratégie à mener. En attendant le prochain changement, je peux me disperser.

18 April 2011

Stupide to Stupide

C'est à la lecture d'un article de Xavier Ternisien, Les blogs : info ou influence ?, que j'ai découvert, hier, l'existence d'une société de services, Human to Human, qui se présente ainsi :
Veille de l'opinion et stratégies conversationnelles
Depuis 2003, Human to Human écoute l'avis des internautes, ces individus versatiles qui derrière leur écran sont tour à tour des consommateurs, des clients, des usagers et avant tout des citoyens interconnectés...
Human to Human permet ainsi aux entreprises d'appréhender la perception des experts et des candides, des râleurs et des inconditionnels et d'identifier l'opinion émergente qu'un sondage ou une étude ne révèlera souvent que plus tard.
Fort de cette veille de l’opinion des internautes, Human to Human accompagne les marques et les institutions dans le pilotage de leurs stratégies de communication, et dans la mise en place de dispositifs conversationnels.
Pour les mal-comprenants, j'en donne ici la traduction :
Surveillance des conversations à large échelle et bourrage de crâne par le biais d'une propagande bien ciblée.
Depuis 2003, réduction de l'animal sociable à quatre dimensions : consommateur, client, usager, électeur. Formes sur lesquelles Cupide to Cupide peut travailler utilement en espionnant [écoute] les messages transmis entre individus [internautes], afin d'en contenir le principal des défauts : tendance à fuir incontrôlée [versatilité] sous la pression de la propagande exercée par les chefs d'entreprises et les politiciens. Cupide to Cupide se fait fort d'intervenir en amont, presqu'à la source [identifier l'opinion émergente], avant même que les sondages d'opinion n'en viennent à livrer leur diagnostic sur la capacité du bétail à marcher en ordre groupé vers les abattoirs du marché et des institutions étatiques. Pour arriver à ses fins, c'est à dire pour encaisser les rétributions versées par les marques [sic] - entendez par là, ceux qui apposent un fer incandescent sur le cuir des animaux dont ils sont propriétaires -, Cupide to Cupide se propose de jouer les cow-boys [pilotage] en allant dénicher les têtes de bétail jusque dans les endroits où elles se sentent le plus à l'abri [derrière leur écran]. Cupide to Cupide promet à ses employeurs de ratisser large, de prendre dans ses lassos [dispositifs conversationnels] la totalité du troupeau : du plus malin [expert] au plus idiot [candide], du plus récalcitrant [râleur] au plus soumis [inconditionnel].
Évidemment, les dirigeants de cette société n'ont rien inventé, il ne sont ni les premiers, ni les derniers à proposer ce genre de services, et, je suppose que les entreprises de ce type ne connaissent, actuellement, pas de crise ; j'imagine même que c'est un secteur en pleine expansion. Je me demande seulement pourquoi le troupeau humain ne se montre pas plus méfiant et tombe si facilement sous le lasso des cow-boys du Web dont les intentions sont on ne peut plus explicites, publiées ouvertement et donc accessibles à tous ceux qui ont surmonté le stade de l'illettrisme... Stupide to Stupide !

17 April 2011

Les tristes complaintes de la bloggosphere

Il y a tellement de choses avec lesquelles je suis en désaccord quand, exceptionnellement, je me lance dans la lecture de quelques posts - choisis presqu'au hasard sur la bloggosphere francophone - que je pourrais, en réaction, formuler une masse monstrueuse de commentaires.

Évidemment, cela me conduirait à entrer dans diverses polémiques, en supposant que les bloggers, à qui je ferais des remarques sur ce qui ne tient pas dans leur construction argumentaire, me répondent. Je sais que, généralement, ils ont tendance à répondre sans même prendre le temps de lire attentivement la critique qui leur est adressée, et ceci, quand ils se donnent la peine de répondre. Parce qu'ils préfèrent, habituellement, ignorer les inconnus qui ne vont pas dans leur sens, ceux qui ne font pas partie du cercle très restreint des commentateurs privilégiés, c'est à dire du troupeau qui s'est formé au fil du temps à grands coups de brosse à reluire.

Aussi, malgré l'envie de réagir, qui parfois se fait jour en moi, je laisse tomber. Je laisse d'autant plus facilement tomber que ces bloggers sont tellement enferrés dans leurs opinions, ces idéaux prêt-à-porter collants à leur identité comme une combinaison en tissu synthétique, qu'il serait vain de tenter de leur démontrer que, pour telle et telle raisons, ce qu'ils affirment avec tant de convictions ne tient tout simplement pas la route.

Je me demande comment ces individus, qui passent le plus clair de leur temps à entretenir leur symptôme graphomaniaque, ne sont pas encore épuisés à force de rabâcher sur des thèmes qui sont apparus en ligne avec le début de la formation de la bloggosphere. Le statut du blogger vis à vis du journaliste tourmente intensément les bons citoyens qui fréquentent le Web. "Journalistes et blogueurs restent deux mondes clos et étanches. Rares sont les journalistes politiques qui connaissent les blogueurs politiques" déplore un fameux blogger-citoyen, suite à l'article, Les blogs : info ou influence ?, de X. Ternisien, paru récemment sur Le Monde.

Ce qui met en rage les bloggers, ou tout au moins les bloggers de cet acabit, c'est que tout journaliste peut obtenir, quasi instantanément, le statut de blogger - rien de plus simple -, mais, qu'à l'inverse, un blogger ne peut pas accéder en trois clics au statut de journaliste ; l'un étant beaucoup plus prestigieux que l'autre, comme de bien entendu. Cette affaire ne date pas d'hier. Profession blogueur de Y. Eudes, publié le 11 Novembre 2008 sur Le Monde, avait déjà provoqué les mêmes remous. Ce phénomène se produit si souvent qu'il est impossible de citer tous les journalistes qui régulièrement font gémir de douleurs les glorieux bloggers et leurs cohortes. La bloggosphere regorge de complaintes qui chantent toutes le même refrain.

Comme le remarque Ludovic Bajard, directeur associé de Human to Human, au sujet des bloggers, "leur pratique est fondamentalement différente de celle des journalistes. Ils ne respectent pas les trois piliers du métier que sont la distanciation, l'objectivation et le recoupement des sources. Ils sont dans une subjectivité totale par rapport à leur sujet. Ils vivent leur activité comme une passion. Ils se racontent. Lorsqu'un blogueur arrive à une conférence de presse, la première chose qu'il fait est de se prendre en photo ou de se faire photographier..." Cette citation résume, à mon avis, assez bien la situation. Il n'empêche que certains bloggers produisent des billets tout aussi intéressants que certains journalistes, mais c'est rarement le cas, puisque la plupart des individus en pyjamas se contentent de plagier à leur sauce frelatée des articles journalistiques, des dépêches AFP. Le blogger qui publie des billets dignes d'intérêt est une espèce aussi rare que celle du journaliste qui mérite vraiment que ses papiers soient lus avec attention.

Enfin... Tant de mots pour exprimer ce qui m'éloigne des troupeaux de graphomanes batifolants sur les prés hexagonaux les plus verdoyants de la bloggosphere ! Ces pâturages jouxtent de trop près les sombres marécages où la majorité béate, qui les admire, s'enlise !

05 April 2011

Ouvrir la porte

Ouvrir la porte. Sortir. Fermer la porte. Suivre le couloir. Ne pas allumer. Descendre les escaliers. Sortir. Marcher. Suivre l'allée bitumée. Marcher deux cents pas sous le soleil. Renverser la tête vers le ciel. Cesser de marcher. Cligner des yeux. Se boucher les oreilles. Fixer le ciel. Cesser de respirer. Fermer les yeux. Ouvrir les yeux. Respirer. Déboucher ses oreilles. Baisser les yeux. Marcher. Marcher dix pas. Faire demi-tour. Marcher deux cent dix pas. Rentrer. Appeler l'ascenseur. Entrer dans la cage de fer. Presser le bouton. Monter. Allumer. Suivre le couloir. Ouvrir la porte. Rentrer. Fermer la porte. Oublier le soleil. Oublier le ciel. S'asseoir. Allumer le PC. Oublier de respirer.

03 April 2011

Expérimentations

Je sors rarement de l'appartement. Quand je sors, c'est par obligation, avec le ravitaillement pour unique objectif. Je n'ai donc pas l'occasion d'augmenter le stock d'images numériques archivées dans les entrailles du PC : je ne prends plus le temps de faire quelques clichés lorsque je me trouve dehors. Désormais, je sors sans jamais emporter de caméra. Alors, pour alimenter mes blogs, je recycle de vieilles photos. Je me guide sur les images publiées sur Flickr, après avoir enfin renouvelé mon abonnement, pour m'orienter ensuite dans la recherche de photos mémorisées sur le disque dur externe. Lorsque deux ou trois images me paraissent suffisamment intéressantes pour être recyclées, les traite rapidement avec Photoshop. Il ne me reste alors qu'à choisir entre No Milk Today, Songlines, SimulacresMikkado pour les exposer sur la Toile. Évidemment, ça brouille l'ordre chronologique et thématique des blogs. Se juxtaposent, par exemple, des paysages photographiés en Espagne au printemps avec des scènes de la vie urbaine sous le ciel hivernal de Montpellier. L'angle de publication manque un peu plus de cohérence. D'autant plus qu'avec Photoshop, je ne m'astreins pas à traiter chaque cliché de la même manière, avec le même type de filtres, avec des réglages identiques. Ce qui augmente encore la sensation d'hétérogénité dans la succession des images sur les blogs. J'en ai bien conscience, mais ça me gène pas outre-mesure. Je ne me sens pas captif des normes esthétiques en vogue sur les photoblogs les plus en vue. Je suis toujours en phase d'expérimentation, bien que mes premières publications en ligne datent d'une dizaine d'années, déjà. Et, j'ai bien l'impression que cette phase n'est pas sur le point d'être achevée. La période d'apprentissage se poursuit.