30 June 2011

Télévision

Je n'ai jamais vraiment aimé la télévision, peut-être parce que j'étais déjà adulte lorsque j'ai réellement eu affaire à ce type de média. C'est en m'installant en France, à l'âge de 23 ans, que, pour la première fois, un téléviseur est venu meubler mon appartement. C'était un appareil portatif, écran noir & blanc, sans télécommande, un Hitachi, si mes souvenirs sont bons. Je crois qu'en dehors des films, ce sont surtout les reportages, documentaires et débats sur des sujets de société qui m'intéressaient le plus ; du moins, dans une première période, le temps de me rendre compte que tout ça manquait franchement d'objectivité et ne collait que très vaguement à l'idée que je me faisais du monde, de la société, quand ça ne contredisait pas totalement mes propres expériences ou celles qui m'avaient été rapportées par des informateurs n'ayant aucun intérêt à falsifier le récit de situations vécues, des personnes non susceptibles de souffrir d'un syndrome mythomaniaque.

A l'évidence, au cours des reportages, documentaires et interventions, lors des débats sur les plateaux TV, la plupart des discours sonnaient faux et révélaient non pas une réalité possible, mais les fantasmes des producteurs des discours en question qui n'hésitaient pas à tordre les maigres faits recueillis au cours de leurs pâles investigations pour les faire entrer dans une perspective correspondante à leurs a priori, formulant de pauvres thèses faites d'idées reçues, de lieux communs et de stéréotypes qui ne pouvaient en aucun cas favoriser l'amorce d'une réflexion sur les objets qu'ils avaient la prétention de dévoiler et d'analyser. En réalité, ces journalistes, spécialistes et experts auto-proclamés ne travaillaient que dans un seul but : la fabrication de semi-fictions aux effets spectaculaires précédées d'une fausse promesse disant qu'ils donneraient à voir des choses exceptionnelles, extraordinaires, inimaginables, prodigieuses, sensationnelles, un tas de choses qui subjugueraient le téléspectateur. Dans l'esprit de ces professionnels, la réaction à distance du public fasciné par le son et l'image devait, au final, se traduire par des exclamations telles que : incroyable, pas-possible, lamentable, fantastique, c'est-pas-vrai, dégueulasse, salops-de-riches, merveilleux, putains-de-pauvres, révoltant, ou le désormais célèbre : je-suis-indigné !

Au bout de quelques mois, face à ce cirque, mon engouement pour ce genre d'émissions se dissolvait comme une goutte de sirop d'orgeat dans un verre d'eau pure. Il était alors devenu indéniable pour moi que ces reportages, documentaires et débats, souvent caricaturaux, n'étaient produits que dans le but d'orienter, dans un sens ou un autre, l'opinion du téléspectateur en jouant principalement sur ses affects. Se soumettre volontairement et passivement à la propagande idéologique d'une poignée de journalistes épaulés par un bataillon d'experts en tous genres était quelque chose d'inconcevable. De plus, une fois dévoilés les mécanismes grossiers de la machine à manipuler les esprits, ce carrousel médiatique n'offrait qu'un pitoyable spectacle qui ne se renouvelait jamais, avec une dizaine de thèmes repris en boucle selon les saisons ou l'humeur des rédacteurs-producteurs : violence, chômage, immigration, sexe, éducation, drogue, alimentation, port-ostensible-de-signes-religieux et, surtout, le fameux est-ce-que-cela-peut-nous-arriver-en-france-?.

Une cervelle dotée d'une once d'intelligence comprend rapidement qu'un téléviseur est un objet totalement inutile, sinon néfaste pour l'équilibre mental, sans même prendre en compte les dangers de l'incessant matraquage publicitaire. Je ne parle pas du sport car, dans ce domaine qui me semble encore plus désastreux pour l'intellect que la pub ; je crois n'avoir vu qu'une finale de tennis à Roland Garros, dont l'un des protagonistes était un Tchécoslovaque qui se nommait Yvan Landle - je ne me souviens pas de son adversaire.

Mais comme je n'ai pas toujours vécu seul, un poste TV a souvent encombré mon espace environnemental. Quand ARTE-TV a fait son apparition sur le réseau hertzien, j'ai fait l'achat d'un magnétoscope car cette chaîne diffusait de nombreux et bons films en V.O.. Je ne regardais que très peu de films en direct dans la nuit - un puissant soporifique pour BBL - mais je me faisais un plaisir de les visionner le matin, après avoir avalé une bonne dose de café. Et puis ARTE a cessé de diffuser directement ses films en V.O.. Il m'aurait fallu un téléviseur plus sophistiqué que le vieux Sony 30 pouces pour capter la version originale de la bande sonore des films. Alors que le DVD faisait son apparition et qu'un écran d'ordinateur était un bien meilleur vecteur de diffusion d'images qu'un écran TV, je renonçais irrévocablement à la contemplation de ce dernier.

Pendant quelques années encore, BBL s'affalait de temps à autres sur le canapé, face à la TV, sans jamais parvenir à me convaincre de suivre un programme en sa compagnie. Jusqu'au jour où, il y a environ deux ans, le vieux Sony - écran couleur Trinitron plat 30 pouces, portatif, télécommandé, remplaçant du Hitachi portatif, écran noir & blanc neigeux bombé 30 pouces, sans télécommande - est tombé définitivement en panne.

Je n'éprouve pas la moindre nostalgie pour ces appareils et encore moins pour les spectacles diffusés sur leur écran. Si je me suis longuement épanché sur ce thème, c'est je voulais seulement remplir une page afin de la publier sur ce blog qui souffre cruellement d'une très mauvaise et irrégulière alimentation. J'espère que les 4422 caractères qui précèdent lui tiendront au ventre jusqu'à la prochaine édition.

Ceci dit, si la télévision représente pour vous autre chose que ce qu'elle représentait pour moi, n'hésitez pas à me le faire savoir, je serais ravi de pouvoir en discuter. Je peux parler de tout et de n'importe quoi. Je suis expert en discussions. Je le suis devenu, il y a longtemps maintenant, en écoutant et en prenant exemple sur les intervenants conviés aux hallucinants débats produits par les cinq premières chaînes de la télévision nationale française.